Je lis dans une chronique de Michael Foessel qui me tombe sous les yeux par hasard (Libé 27.II.2025) cette belle phrase de Péguy écrite apparemment au sujet de Joseph Reinach, dans le contexte de l’Affaire Dreyfus : « Il faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout, il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit. » En peu de mots, Péguy réussit assez génialement à conjoindre la perception et le dire, à en faire une injonction qui ne regarde pas seulement l’accord de l’un à l’autre, ce qui serait encore facile, mais l’interprétation inhérente au voir lui-même. J’apprends aussi que cette formule serait utilisée « par des influenceurs d’extrême droite » dans une perspective dénonciatrice, pour suggérer que le discours public ment sur la réalité des faits controversés et qu’il y aurait donc un dévoilement à opérer en se fiant sur le voir, posé comme factualité brute, contre le dire, ramenée à une intoxication des esprits. Le chroni...
Edmond plonge pour secourir, en pleine tempête, une jeune femme que se noie. Il est promu pour cet acte de bravoure, faisant honneur à la dignité humaine, préférée même au respect de l’ordre de son supérieur qui lui avait intimé de ne pas plonger. Il remplacera le capitaine. Lequ el en concevra une haine profonde. Un capitaine peut faire un beau mariage. Mais il s’est élevé. Il tombera de plus haut. Une trahison lui vole sa vie. Edmond, qui a sauvé une vie par un réflexe généreux, mais idéaliste, perdra bientôt la sienne, trahi par un rival. Le pauvre, il ne comprend même pas ce qui lui arrive, quand la maréchaussée vient le prendre au collet en pleine église, au moment où il s’apprête à conclure un beau mariage avec une femme qu’il aime et qui l’aime et qui, ce qui ne gâte rien, est un bon parti. Tout allait trop bien. Il disparait au Château d’If. Personne ne se soucie de lui. Il ne comprend pas ce qui lui est arrivé, mais aimerait bien savoir. C’est ce qui le maintient e...